Biopigs

BIOPIGS

Bien entendu, on saisit immédiatement que Biopigs est un défaut de prononciation de biopics. Biopigs se déroule dans un club de remise en forme et de rééducation dont l’esthétique est à mi-chemin entre le gymnase sportif municipal, la salle des supplices et le musée Grévin en mouvement. Là, est disposé tout un attirail de machineries, d’objets pédagogiques prêts à l’emploi et d’une variété de formes assez étranges. Parmi les agrès, il y a un passage secret.

De passages, il en sera beaucoup question dans cette pièce.
Et aussi de personnages en pleine mutation, de quête psychique paradoxale, de failles narcissiques, de changements d’états et de têtes.

D’ailleurs, le matériel mis à disposition s’adresse essentiellement à une clientèle composée de personnages célèbres ou l’ayant été. Car cet «égo-center» est le club que l’on fréquente pour se redorer la personnalité, se refaire la superbe, ou carrément, se retaurer la légende. La légende ?… Enfin, ce qu’il en reste.

Il y a une chose qu’il ne faut jamais rater : c’est la fin. La fin, et les bravos qui l’accompagnent. La fin est cruciale, que ce soit dans les spectacles ou dans la vie en général, car c’est ce qui peut laisser, en dernier ressort, une bonne impression aux gens. Des fins, on va en faire une bonne trentaine. Et Biopigs commencera par ça. Dès lors, le public débarrassé pourra appréhendé le show en toute décontraction.

Inutile de faire de fausses promesses, mais vous raconter ce qui va se passer dans Biopigs donnerait à peu près ça : Peggy Guggenheim, presque aveugle d’avoir regarder trop de peintures, porte un jogging moutarde et travaille ses fessiers. Elle est interprétée par Stéphane Roger qui fera aussi Françoise Dolto et Jacques Lacan.
Un sosie danois de James Brown arrive accompagné d’un sosie de Charles Bronson, Ludwig II de Bavière que fait Marlène Saldana les regarde. A la suite de quoi, Marlène fera aussi Jacqueline Maillan vieille (jouant Koltès) et le chanteur Carlos. Jacqueline Maillan, on la retrouve jeune, sous les trait de Sophie Lenoir qui apparaît à l’origine en Sammy Davis Jr., Edith Piaf chantera, avec un énorme rouge à lèvres sous le bras, «c’est un gars qui m’a dit…» ; et une chorale de Trois Baby Jane bien farinées entonnent en chœur «J’ai écrit une lettre à Papa»

On est entre la sarabande Brueghelienne à la plancha et le mythe d’Icare (avec la catastrophe aérienne que l’on connait), où toutes ses personnalités tentent de se ressaisir. Mais elles sont les comme les cibles d’un tir aux pigeons infernal passant devant des miroirs tellement déformants qu’on se demande comment on doit encore en rire. Pittoresques sont les ponts d’or de la reconnaissance sous lesquels coule souvent une petite rivière saumâtre charriant «le misérable de l’affaire».
Par exemple : Max Linder, précurseur girondin du slapstick burlesque, et son penchant pour les gamines qui lui en fera épouser une, et à la suite de quoi il tentera de s’empoisonner à cause de crises de jalousie chroniques; crises qui aboutiront à un suicide réussi après avoir finalement assassiné sa femme.
Ou Peter Sellers, qui par vengeance cassera un à un les jouets de son fils qui lui avait rayé sa Triumph décapotable.
Et Peggy Guggenheim, ridiculisée par son premier mari qui lui shampouiné la mise en pli à la vinaigrette, en plein diner et devant tout le monde, trouvera une revanche déplacée en regardant de travers Samuel Beckett qui essaye de la baiser.
Ou encore, Phil Spector, incapable de retenir ses invité pour un dernier verre sans les menacer de leur tirer dessus quand ils approchent la porte pour partir.
Et bien sûr, la déviation ultime et terrible de la magie noire de la célébrité : les sosies, homme-miroirs et döppelganger. Profession étrange par excellence où la concurrence fait rage d’une façon complètement obscure. Il n’y a qu’à voir ce fait divers où l’avatar de Gainsbourg poignardera l’avatar de Johnny Hallyday, alors que ce dernier tondait la pelouse.

Inlassablement, le biopic demeure un genre très en vogue. Et c’est en grande partie dû à cette relation ambigüe que le spectateur entretient à la fois avec l’imaginaire et «le misérable de l’affaire». Le biopic exploite la teneur imparable du réel, mais en utilisant des moyens qui drainent une imperfection constante. Comme dans les tabloïds, la dignité est mise à mal. Voire saccagée.
La plus évidente de ses imperfections se caractérise par les problèmes de ressemblance physique entre les acteurs et les grands personnages qu’ils doivent représenter. Naomi Watts en Lady Di, on n’y croit pas. Anthony Hopkins en Hitchcock, c’est raté. Antoine joué par Burton, ça va pas non plus. etc… La liste est à n’en plus finir.

Grandeur et «fameux détail qui tue» se lancent un ultime défi. Dès lors, un trouble subsiste : n’importe qui est n’importe qui. Et le public laisse exploser sa moquerie refoulée.

Souvenez-vous toujours que le monde se divise en deux catégories : les ratés et les inconnus. L’acteur est une éternelle réplique, aux deux sens du terme : à la fois une copie et une riposte. Les doublures sont les grands héros de Biopigs : celles par qui l’happy-end arrive.

Conception Sophie Perez et Xavier Boussiron

Avec :
Sophie Lenoir
Stéphane Roger
Marlène Saldana 
Er Ge Yu

Textes : Sophie Perez et Xavier Boussiron
Scénographie : Sophie Perez et Xavier Boussiron
Costumes : Sophie Perez et Corine Petitpierre
Musique : Xavier Boussiron
Régie générale : Léo Garnier
Création lumière : Fabrice Combier
Création son : Félix Perdreau
Régie lumière : Gildas Roudaut
Régie plateau : Camille Rosa / Adrien Castillo
Réalisation décor : les Ateliers de Nanterre-Amandiers
Réalisation sculptures : Dan Mestanza
Réalisation costumes : Corine Petitpierre et Anne Tesson
Administration : Julie Pagnier

Production Compagnie du Zerep coproduction Les Subsistances 2014/2015 Lyon, Théâtre Nanterre – Amandiers centre dramatique national, Le Manège Maubeuge Mons Scène nationale, Centre National de Création et Diffusion Culturelles de Châteauvallon, Arsenic – centre d’art scénique contemporain Lausanne, Maison des Arts de Créteil, Centre de Développement Chorégraphique Toulouse/Midi-Pyrénées

Avec le soutien du Centre National de la Danse, Pantin

La Compagnie du Zerep reçoit le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France, Ministère de la Culture et de la Communication.

Action financée par la Région Ile-de-France

Biopigs a été créé en mars 2015 au Manège Scène nationale de Maubeuge